Voici un nouveau court extrait du "Journal de bord d'Anissan Rubyn" récit qui figurera dans Le livre de Baltos :
Le
12 octobre 1576
J’ai connu Lionna la grande il y a environ
six ans, alors que de fortes rafales de vent d’ouest m’avaient contraint de
m’échouer sur l’une des berges de son île. Je n’y avais jamais accosté
jusque-là, cette terre peu connue ayant mauvaise réputation. Je savais que des
hommes et des femmes à la peau noire comme l’ébène, les ameths, y vivaient en
autarcie, repoussant tout commerce avec les nations étrangères. L’endroit en
lui-même était d’ailleurs peu propice à l’échange. C’était un grand rocher
brun, parcouru de veines cristallines de couleur violette. Cependant, mise à
part cinq gigantesques, magnifiques, et indestructibles géodes qui se
dressaient en pentacle à chaque sommet de l’île, et fermaient l’accès vers la
vallée s’étendant au centre de celle-ci, la présence d’améthystes véritables
était souvent remise en cause. Les cristaux qui zébraient le roc, une fois
extraits de leur gangue, se révélaient en effet trop friables pour être
taillés. La végétation était en outre peu abondante en-deçà de ces pics, du
fait de la nature du sol. Et si la terre était bien plus riche en plein cœur de
l’île, c’était surtout par des techniques d’agriculture très développées que les
habitants pourvoyaient à leur nourriture bien mieux qu’on aurait pu le croire. Tout
cela était en fait le résultat d’une pratique intense de la magie. Si les
pierres fines veinant la roche perdaient toute valeur hors de celle-ci, et si
les plantes fructifères refusaient de pousser aux endroits les plus
accessibles, c’était par décision de ces indigènes aux ressources étonnantes d’empêcher
toute exploitation. Comme un certain type d’insecte sait se rendre invisible à
d’éventuels prédateurs, l’île camouflait sa véritable richesse derrière une
apparente stérilité. Mais cela, il fallait prendre le temps de les connaître
pour le comprendre, ce que peu de prospecteurs eût songé à faire. Sans doute
était-ce la raison pour laquelle ils étaient tant ignorés du reste du monde.
Ils avaient bien dû faire face aux colonialistes éturbes, qui cherchaient de la
main d’œuvre gratuite partout où ils pouvaient. D’autres terres de l’archipel
étaient ainsi devenues fournisseuses d’esclaves, parfois hélas avec la
complicité d’autochtones corrompus. Ceux-ci à l’inverse avaient su résister
avec finesse et vaillance à leurs agresseurs, et depuis, étaient laissés en paix.
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