Corliande

Auto édition

Auto édition

31 août 2011

L'autoédition

Pourquoi publier en autoédition ?



Essai d'enluminure Livre II, chapitre II










Comme chaque lecteur peut le constater en parcourant ce blog, Corliande est un livre publié en autoédition. Il s’agit là, bien entendu, d’un choix par défaut. Même si la perspective d’être son propre éditeur peut attirer à bien des points de vue, elle inclut aussi, outre pas mal de contraintes, des problèmes de distribution évidents. Si vous êtes auteur vous-même, et tenté par une telle option, sachez que les arguments allant à l’encontre de celle-ci ont du poids : le coût de fabrication des livres (bien qu’avec des sites internet spécialisés dans l’impression à la demande, celui-ci puisse être nettement réduit) ; la difficulté de diffuser son ouvrage, donc de le faire connaître au public ; et surtout la « mauvaise réputation » attachée à cette pratique, de plus en plus courante pourtant, non seulement dans le domaine littéraire, mais dans celui des œuvres éditoriales en général. 


 
Conséquence parmi d’autres de la crise du disque, en effet, nombre de musiciens s’autoproduisent ou créent leur propre label. Si certains d’entre eux sont des amateurs, beaucoup, déjà connus, possèdent une solide expérience discographique et scénique. Les enregistrements qu’ils proposent ainsi ne sont donc en rien inférieurs à ceux d’artistes sous contrat. Ils sont parfois meilleurs.
Or ce qui est admis pour le disque l’est beaucoup moins pour le livre, secteur moins menacé semble-t-il. Encore que si actuellement peu d’auteurs célèbres, en dehors de la BD, franchissent le pas de l’autoédition, nombre d’entre eux peinent à se faire publier. C’est dire si le simple quidam que vous êtes a de quoi espérer ! Cependant, le fait d’avoir recours à l’autoédition peut d’emblée vous cataloguer, soit comme la proie naïve de gens peu scrupuleux, soit comme des artistes autoproclamés et un brin présomptueux ne daignant pas se soumettre à l’avis éclairé des professionnels, seuls aptes à leur prodiguer de précieux conseils, voire à corriger leurs épreuves. Sont-ils donc si infaillibles et dignes de foi ? Leur choix est-il vraiment et systématiquement un gage de qualité ou d’originalité ?
Il serait simpliste de croire que tous les livres édités, donc retenus et recommandés sont de bons livres, tandis que les autres sont forcément mauvais. La réalité est évidemment tout autre (sans être pour autant l’exact opposé). Refusé par la profession, vous n’êtes pas plus avancé concernant la valeur de votre travail. Ces précieux conseils, que vous vous sentiez tout prêt à recevoir, il est à parier que vous les attendez encore. Où sont les éditeurs disposant d’assez de temps pour en consacrer à l’étude sérieuse de votre cas ? Le comité de lecture se contentera de vous envoyer une lettre type, ou une appréciation des plus sommaires justifiant son refus dans le meilleur des cas.
Mon propos n’est pas ici de régler des comptes. Il ne faut jamais oublier que nul ne vous demande d’écrire et que nul ne vous attend. L’éditeur est libre et aucune loi ne l’oblige à publier votre travail, et à fortiori, à l’aimer. En supposant même, assez hardiment, que vous ayez créé un chef d’œuvre, il n’est pas interdit de l’ignorer, voire de penser légitimement le contraire. Le problème n’est d’ailleurs pas là. Le talent, s’il est une condition à la publication dans le meilleur des cas, n’est pourtant pas une garantie. Il faut bien appeler les choses par leur nom. L’édition est avant tout un secteur commercial. Personne ne prendra le risque de « sortir » votre livre s’il pense à l’avance qu’il ne se vendra pas.
De là à décider de ce qui doit plaire ou déplaire au public, il n’y a qu’un pas que les professionnels franchissent en toute bonne foi la plupart du temps. Aucune étude, aussi scrupuleuse soit-elle, ne me convaincra que le comportement humain puisse être prévisible à ce point. Je n’ai pas la naïveté de minimiser l’importance du conditionnement, auquel contribuent, précisément, ces mêmes professionnels. Les archétypes existent de tout temps, mais les erreurs de jugement aussi. Elles ont été nombreuses dans le passé. Pourquoi en irait-il autrement aujourd’hui ? Pire encore, si l’on a coutume de dire que seul le temps peut apporter une réponse définitive à l’évaluation d’une « œuvre », je suis loin pour ma part d’en être convaincue.
Or si, malgré les rejets, vous continuez à croire un peu en vous, si vous avez l’outrecuidance de penser qu’à défaut d’un chef d’œuvre vous avez au moins réalisé un travail digne d’attention, vous savez aussi que pour exister, un livre doit être publié. Le refus des éditeurs, c’est l’oubli assuré, une porte irrémédiablement fermée, et souvent, la difficulté pour vous de passer à autre chose. Le recours à l’autoédition c’est donc le moyen de laisser une trace de votre travail, même si elle est infime, ce qui d’ailleurs ne vous empêche pas de persévérer dans vos démarches auprès des professionnels.
Pour être sincère, je reconnais qu’il y a probablement peu d’ouvrages de qualité, ne serait-ce que du point de vue éditorial, parmi ceux qui fleurissent sur les sites d’édition en ligne. La facilité d’accès à ce type de publication engendre automatiquement l’absence d’exigence et d’esprit critique (laquelle cependant n’est pas réservée aux seuls amateurs). Je suis sûre en revanche qu’il se trouve dans le lot de véritables perles, au sens premier du terme (donc sans jeu de mots). Comme pour le cas des musiciens et de leurs labels personnalisés, il y a sans doute quelques bons auteurs (j’espère bien être de ceux-là) lassés de courir les éditeurs en vain.
Car s’il y a en effet profusion, cela ne prouve pas qu’il s’en trouve un, ne serait-ce qu’un, pour vous signer un contrat. Même à supposer que l’on ait la patience, l’énergie et les moyens de les solliciter tous, sans résultat garanti, ces démarches, en plus d’être décourageantes, deviennent vite épuisantes, et vous détournent de votre véritable travail qui est d’écrire.
Bien sûr, on commet souvent l’erreur de s’adresser à des éditeurs dont on pourrait présumer le désintérêt. Les éliminer dès le début implique cependant une connaissance assez précise de ce que recherchent ces derniers, et une estimation presque aussi précise de vos chances de les séduire. Cela implique aussi l’idée que votre ouvrage, dont vous aimeriez penser qu’il ne s’inscrit dans aucune « case », devra précisément pouvoir se loger dans au moins l’une d’entre elles. L’originalité sans doute est de mise, à condition de ne pas dépasser d’un cadre prédéfini. La fameuse ligne éditoriale est une notion des plus floues pour un écrivain honnête qui, lorsqu’il écrit, ne se soucie nullement de savoir où se situe son livre, quelle ornière il se doit de suivre pour plaire à tel ou tel et quelle cible il est censé atteindre.
Sa singularité, si elle est réelle, peut être son alliée autant que son ennemie. Sa situation est complexe. Il est probablement le moins bien placé pour définir son art et n’est pas forcément assez familier du monde de l’édition pour se diriger dans cette jungle où, bien souvent, il ne fera que recevoir des blessures d’amour propre. Sans se surestimer, il n’est pas pour autant préparé à de telles désillusions. Bien sûr il doit les accepter, sachant encore une fois que personne ne l’a obligé à exposer son « œuvre » (une parmi tant d’autres !)
Dans un tel contexte, se diriger vers l’autoédition, devenue si aisée avec internet, est une solution envisageable, à condition de ne pas en attendre de miracle (mais de quoi pourrait-on attendre un miracle ?). Cela vous engage à une qualité d’écriture, bien sûr, mais aussi éditoriale ; à faire lire et relire ses épreuves pour en corriger les fautes autant que possible et à soigner sa présentation. Dans l’absolu, cela pourrait bien vous contraindre à l’excellence, car si tant de mauvais livres encombrent déjà les étals des librairies, pourquoi y ajouter le vôtre, s’il n’est pas meilleur ? Seul problème, vous ne pouvez guère en juger, et devez vous fier à votre instinct, à celui de vos proches et des rares professionnels que vous côtoyez le cas échéant.
Faire connaître votre travail, hors d’un cercle aussi restreint, vous prendra du temps et de l’argent. Vous ne convaincrez pas facilement de sa qualité. Mais une fois le livre publié, vous aurez le sentiment d’avoir au moins mené à bout un projet, ce qui n’est pas rien. Peut-être qu’avec le temps, l’autoédition aura meilleure presse et que votre démarche suscitera l’intérêt.

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1 commentaire :

  1. Ne pas oublier que l'auto-édition est aussi très utilisée pour publier des documents d'entreprise et les « mémoires » de personnes destinées à la famille et aux amis proches. C'est un excellent moyen, pour cette dernière, de matérialiser des souvenirs et le récit d'une vie parfois riche et passionnante. Ici alors, l'éditeur professionnel n'a plus rien à dire et chacun maîtrise sa publication.
    En tout cas, merci pour ces articles bien conçus sur ce sujet méconnu.

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